Voir les sculptures
d'Andres Blume, aucun code ni clé ne réduit la surprise cette sur- rection
qui, d'emblée, fait éloge. Eloge du fer, sa vigueur brandie dans le subtil
agencement des formes : s'y conjuguent la ductilité du métal avec le vouloir
modelant. Il y a là comme un conflit étrange, une lutte amoureuse entre
les barres ou, lingots massifs et les torsions, les martèlements fastueux.
Car pour que chante le chant magistral du matériau, que s'exalte la "ferrité"
du fer, il faut, certes, être fidèle à ce dernier, à son écoute. mais
assurément hors bigoterie. Andres Blume, forgeant avec une vigilance extrême,
porte le combat à son point le plus haut : Si le geste de l'artiste, tout
de lucidité, met le fer à la question, c'est qu'il permet ainsi et seulement
ainsi au métal d'affirmer sa propre force, sa puissance, son ardente poussée
à travers l'autorité des angles ou de la rondeur pleine des anneaux.
On préssent intraitable
la connivence d'Andres Blume avec la matière pour que celle ci manifeste
également sa douceur qui s'incurve sous le maniement de l'outil, et que
l'éclatante vivacité métallique aurait pu occulter Si la rouille et la
patine n'étaient venues, par les soins du sculpteur, inviter chacune des
oeuvres à toutes les modulations lumineuses.
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. L'alliance fer
feu que, dans la forge, noue le savoir des mains célèbre donc l'élémentaire,
l'énergie de son élancement. Pourtant on est loin de ces oeuvres tautologiques
qui se bornent à concéder au matériau la faveur de s'exprimer soi-même.
Il importe de mater le fer, de le dompter. L'élé- ment, pour prodigieux
qu'il soit, ne donne en effet naissance à aucun monde. Il n'en constitue
qu'une des conditions. Bien des travaux d'Andres Blume s'exposent en plaques,
plages ou portes, fragments d'étendue dressés comme des tables où s'inscrit
une loi, celle du coeur qui les fait être le vide. Il ne s'agit à l'évidence
pas d'absence ou de manque, d'un trou qui aspire- rait à quelque comblement.
Le vide, c 'est le jeu non de l'aléatoire, mais la possibilité de l'articulation,
la béance à défaut de quoi nulle conjugaison, collision ni collusion n'aurait
lieu. Andres Blume montre à tout le moins ceci : chacun n'existe que l'un
avec l'autre, par le vide, la limite elle-même, immatérielle. Le sculpteur
rejoint ici la leçon de Lucrèce : sans le vide, rien qui soit. Bien sûr,
les sculptures d'Andres Blume gardent leur énigme. Mais, aussi graves
et substancielles qu'elles paraissent, elles ne tentent pas de capturer
l'espace elles transportent aux confins, ce lieu d'union insaisissable.
François
Laur
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